Publié le : 08/03/20245,7 min de lecture

Des agriculteur·rices bloquant l’A64 ©Sipa / Fred Scheiber

Le modèle agricole français et européen actuel voit s’opposer deux mondes. Entre une augmentation des profits pour quelques-uns, un libéralisme à outrance, un mépris de l’environnement et de l’autre, un respect du vivant, une philosophie du « consommer mieux » mais un sacrifice humain et social, le fossé est immense.

La France est en valeur le 6ème pays qui exporte le plus de produits agricoles et alimentaires.  Dans le même temps, 20% des denrées alimentaires consommées en France étaient importées, dont 50% de nos fruits et légumes et presque 50% des poulets. Le choix de ce modèle agricole aujourd’hui majoritaire est imputable à de nombreuses orientations politiques et stratégiques des décennies précédentes.

Celles-ci ont été portées par quelques acteurs clés, notamment au travers de la Politique Agricole Commune (PAC), et des orientations politiques françaises d’après-guerre (co-gestion entre la FNSEA et le gouvernement) qui ont dirigé le modèle vers une industrialisation massive (augmentation des surfaces via l’octroiement d’aides à l’hectare, intensification des productions et spécialisation des régions et des agriculteur·rice·s) et une recherche permanente du profit, notamment grâce à l’exportation. Ces objectifs de production ont happé les agriculteurs dans un cercle vicieux fait d’endettement, de destruction du vivant et d’isolement social exacerbés par une politique de compétition permanente.  L’agriculture n’a plus une visée nourricière mais un objectif de rentabilité pour quelques-uns. Rappelons que si 98% des entreprises de l’agroalimentaire sont des TPE et PME, 43% du chiffre d’affaires du secteur est concentré par les 23 plus grosses entreprises.

Aujourd’hui, ces orientations détruisent mécaniquement l’agriculture-paysanne et vivante, les écosystèmes, ainsi que la santé des producteur·rice·s et des consommateur·rices. Les petit·es agriculteur·rices de notre imaginaire n’ont pas de place dans cette agriculture. Curieux paradoxe : alors que les paysan·nes sont indispensables à notre survie en produisant notre alimentation, le système agricole dominant en France est responsable chaque jour de l’extinction du Vivant.

Il participe notamment à la destruction :

  • Des insectes et autres pollinisateurs qui ingèrent des pesticides et perdent leurs habitats naturels. Sans eux, adieu la pollinisation et les récoltes. En Europe 84% des espèces végétales dépendent des pollinisateurs.

  • Des haies françaises à cause du défrichage et de l’extension des parcelles de production. Sans elles, adieu les insectes et autres animaux. Entre 2017 et 2021, on estime que 23 500 km de haies ont été détruites chaque année en France, notamment en raison du remembrement agricole (et donc aux aides de la PAC). Soit autant de diversité écologique et de services écosystémiques en moins.

  • Des consommateur·rices qui ingèrent ces produits contaminés et qui vivent dans des environnements pollués. Les algues vertes des côtes bretonnes ne sont que l’un des exemples parmi les plus visibles.

  • Des paysan·nes directement, par l’exposition aux produits phytosanitaires et au caractère physique de leur travail, mais surtout à cause de leurs conditions de vie indécentes. Aujourd’hui, ¼ des agriculteur·rices vit sous le seuil de pauvreté et leur taux de suicide est 30% plus élevé que la moyenne française.

  • Des forêts du monde via la déforestation et les dégradations générées par les matières premières importées en France pour les besoins de l’agro-industrie. Il s’agit notamment du soja, utilisé dans l’alimentation de nombreux élevages intensifs. Détruire ces forêts, c’est détruire des sources d’oxygène, d’eau, de sols agricoles, des formidables régulatrices du climat et l’essentiel de la biodiversité terrestre.

  • Des peuples autochtones et des communautés locales dont les droits humains sont bafoués et les territoires ancestraux envahis et détruits pour les matières premières agricoles commercialisées mondialement qui sont notamment importées en France par la suite.

Envol Vert, en tant qu’association protectrice du Vivant et travaillant avec de nombreuses et nombreux agriculteur·rices-paysan·nes en France, au Pérou et en Colombie, soutient le mouvement actuel mais souhaite dénoncer les fausses solutions négociées entre le gouvernement et les représentant·es du modèle majoritaire et destructeur.

En visant les mauvaises cibles, elles favorisent encore et toujours une poignée d’acteurs au détriment du Vivant et de l’intérêt général. Pour la création d’un nouveau modèle agricole, nous appelons à :

  • Proposer des solutions concrètes pour garantir des justes rémunérations aux agriculteur·rices et non pas l’engraissement des industriels et de la grande distribution.

  • Accompagner les agriculteur·rices grâce à une aide à la transition réelle et permanente lors de la mise en place de normes environnementales.

  • Abandonner les accords de libre-échange favorisant le profit d’une poignée d’acteurs qui détruisent le vivant en augmentant la pression sur les écosystèmes et les émissions de CO² liées au transport de marchandises.

  • Construire une véritable politique de souveraineté alimentaire en valorisant les productions locales et écologiques, notamment dans les restaurations collectives. Cela passe notamment par l’application réelle des stratégies existantes comme celle sur les protéines végétales pour se passer du soja massivement importé du Brésil.

  • Bannir les fermes-élevages usines très dépendantes au soja et au maïs importées en concentrant les problématiques et les profits dans quelques zones spécifiques.

Cette crise marquera-t-elle un tournant pour l’histoire de l’agriculture française ? La décision nous appartient. D’une part en consommant mieux, local et bio dans la mesure du possible. Et c’est possible ! En court-circuitant les intermédiaires comme les grandes surfaces, expertes du faux-marketing, vous pouvez vous nourrir mieux en rémunérant justement et directement les agriculteur·rices de vos régions. Mais aussi, et surtout, en choisissant mieux celles et ceux qui nous représentent, notamment au niveau européen.

Du 6 au 9 juin 2024, nous avons le choix d’élire aux élections européennes des député·e·s qui porteront la voix des paysan·ne·s et permettront de mettre en place de véritables solutions pour une agriculture résiliente. Optez pour les programmes favorisant un plafonnement de la PAC et une répartition par ETP (Équivalent temps plein) pour favoriser les petites exploitations et les paysan·nes. Ensemble, boycottons l’agro-industrie au quotidien en changeant nos pratiques de consommations mais aussi en votant de manière éclairée !

Ensemble, boycottons l’agro-industrie au quotidien en changeant nos pratiques de consommations mais aussi en votant de manière éclairée !

Publié le : 08/03/20245,7 min de lecture

Des agriculteur·rices bloquant l’A64 ©Sipa / Fred Scheiber

Le modèle agricole français et européen actuel voit s’opposer deux mondes. Entre une augmentation des profits pour quelques-uns, un libéralisme à outrance, un mépris de l’environnement et de l’autre, un respect du vivant, une philosophie du « consommer mieux » mais un sacrifice humain et social, le fossé est immense.

La France est en valeur le 6ème pays qui exporte le plus de produits agricoles et alimentaires.  Dans le même temps, 20% des denrées alimentaires consommées en France étaient importées, dont 50% de nos fruits et légumes et presque 50% des poulets. Le choix de ce modèle agricole aujourd’hui majoritaire est imputable à de nombreuses orientations politiques et stratégiques des décennies précédentes.

Celles-ci ont été portées par quelques acteurs clés, notamment au travers de la Politique Agricole Commune (PAC), et des orientations politiques françaises d’après-guerre (co-gestion entre la FNSEA et le gouvernement) qui ont dirigé le modèle vers une industrialisation massive (augmentation des surfaces via l’octroiement d’aides à l’hectare, intensification des productions et spécialisation des régions et des agriculteur·rice·s) et une recherche permanente du profit, notamment grâce à l’exportation. Ces objectifs de production ont happé les agriculteurs dans un cercle vicieux fait d’endettement, de destruction du vivant et d’isolement social exacerbés par une politique de compétition permanente.  L’agriculture n’a plus une visée nourricière mais un objectif de rentabilité pour quelques-uns. Rappelons que si 98% des entreprises de l’agroalimentaire sont des TPE et PME, 43% du chiffre d’affaires du secteur est concentré par les 23 plus grosses entreprises.

Aujourd’hui, ces orientations détruisent mécaniquement l’agriculture-paysanne et vivante, les écosystèmes, ainsi que la santé des producteur·rice·s et des consommateur·rices. Les petit·es agriculteur·rices de notre imaginaire n’ont pas de place dans cette agriculture. Curieux paradoxe : alors que les paysan·nes sont indispensables à notre survie en produisant notre alimentation, le système agricole dominant en France est responsable chaque jour de l’extinction du Vivant.

Il participe notamment à la destruction :

  • Des insectes et autres pollinisateurs qui ingèrent des pesticides et perdent leurs habitats naturels. Sans eux, adieu la pollinisation et les récoltes. En Europe 84% des espèces végétales dépendent des pollinisateurs.

  • Des haies françaises à cause du défrichage et de l’extension des parcelles de production. Sans elles, adieu les insectes et autres animaux. Entre 2017 et 2021, on estime que 23 500 km de haies ont été détruites chaque année en France, notamment en raison du remembrement agricole (et donc aux aides de la PAC). Soit autant de diversité écologique et de services écosystémiques en moins.

  • Des consommateur·rices qui ingèrent ces produits contaminés et qui vivent dans des environnements pollués. Les algues vertes des côtes bretonnes ne sont que l’un des exemples parmi les plus visibles.

  • Des paysan·nes directement, par l’exposition aux produits phytosanitaires et au caractère physique de leur travail, mais surtout à cause de leurs conditions de vie indécentes. Aujourd’hui, ¼ des agriculteur·rices vit sous le seuil de pauvreté et leur taux de suicide est 30% plus élevé que la moyenne française.

  • Des forêts du monde via la déforestation et les dégradations générées par les matières premières importées en France pour les besoins de l’agro-industrie. Il s’agit notamment du soja, utilisé dans l’alimentation de nombreux élevages intensifs. Détruire ces forêts, c’est détruire des sources d’oxygène, d’eau, de sols agricoles, des formidables régulatrices du climat et l’essentiel de la biodiversité terrestre.

  • Des peuples autochtones et des communautés locales dont les droits humains sont bafoués et les territoires ancestraux envahis et détruits pour les matières premières agricoles commercialisées mondialement qui sont notamment importées en France par la suite.

Envol Vert, en tant qu’association protectrice du Vivant et travaillant avec de nombreuses et nombreux agriculteur·rices-paysan·nes en France, au Pérou et en Colombie, soutient le mouvement actuel mais souhaite dénoncer les fausses solutions négociées entre le gouvernement et les représentant·es du modèle majoritaire et destructeur.

En visant les mauvaises cibles, elles favorisent encore et toujours une poignée d’acteurs au détriment du Vivant et de l’intérêt général. Pour la création d’un nouveau modèle agricole, nous appelons à :

  • Proposer des solutions concrètes pour garantir des justes rémunérations aux agriculteur·rices et non pas l’engraissement des industriels et de la grande distribution.

  • Accompagner les agriculteur·rices grâce à une aide à la transition réelle et permanente lors de la mise en place de normes environnementales.

  • Abandonner les accords de libre-échange favorisant le profit d’une poignée d’acteurs qui détruisent le vivant en augmentant la pression sur les écosystèmes et les émissions de CO² liées au transport de marchandises.

  • Construire une véritable politique de souveraineté alimentaire en valorisant les productions locales et écologiques, notamment dans les restaurations collectives. Cela passe notamment par l’application réelle des stratégies existantes comme celle sur les protéines végétales pour se passer du soja massivement importé du Brésil.

  • Bannir les fermes-élevages usines très dépendantes au soja et au maïs importées en concentrant les problématiques et les profits dans quelques zones spécifiques.

Cette crise marquera-t-elle un tournant pour l’histoire de l’agriculture française ? La décision nous appartient. D’une part en consommant mieux, local et bio dans la mesure du possible. Et c’est possible ! En court-circuitant les intermédiaires comme les grandes surfaces, expertes du faux-marketing, vous pouvez vous nourrir mieux en rémunérant justement et directement les agriculteur·rices de vos régions. Mais aussi, et surtout, en choisissant mieux celles et ceux qui nous représentent, notamment au niveau européen.

Du 6 au 9 juin 2024, nous avons le choix d’élire aux élections européennes des député·e·s qui porteront la voix des paysan·ne·s et permettront de mettre en place de véritables solutions pour une agriculture résiliente. Optez pour les programmes favorisant un plafonnement de la PAC et une répartition par ETP (Équivalent temps plein) pour favoriser les petites exploitations et les paysan·nes. Ensemble, boycottons l’agro-industrie au quotidien en changeant nos pratiques de consommations mais aussi en votant de manière éclairée !

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