Pâturage post-déforestation dans le Mato Grosso – Brésil 2022 ©E.FAVRICHON
MAJ au 02/11/2022 : La victoire de Lula ne doit pas être un passe-droit aux entreprises françaises pour continuer à déforester.
Le 30 octobre 2022, Lula Inacio da Silva a remporté le second tour des élections présidentielles en obtenant 50,9% des votes. Malgré cette victoire qui suscite l’espoir de voir l’Amazonie davantage protégée, la marge de manœuvre du nouveau président sera limitée. |
Ce dimanche 30 octobre aura lieu le deuxième tour des élections présidentielles au Brésil, qui permettent au peuple brésilien d’élire leur chef de l’Etat pour les quatre prochaines années. Ce scrutin opposera l’actuel chef de l’Etat Jair Bolsonaro, qui a obtenu 43,2% des suffrages soit 51 millions de voix au premier tour. Face à lui l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, arrivé en tête de cinq points au premier tour grâce à 57,2 millions de voix. Le deuxième tour verra donc s’affronter les deux candidats dans un duel au coude à coude où se joue le futur de la forêt amazonienne et d’autres écosystèmes en danger.
L’héritage de son mandat
La réélection de Jair Bolsonaro fait peser une menace forte sur l’environnement et notamment sur la forêt. Déjà au pouvoir depuis quatre années, les mesures mises en place par son gouvernement ont fortement participé à la destruction des écosystèmes tels que la forêt amazonienne et les savanes du Cerrado.
Surnommé “capitaine-tronçonneuse”, il a dès le début de son mandat porté des coups à la lutte contre la déforestation. Il a par exemple transféré des prérogatives du ministère de l’Environnement (attribution des permis environnementaux et délimitation de l’Amazonie légale) au ministère de l’Agriculture, et a bâillonné les agences environnementales du pays (licenciement du directeur de l’INPE, réduction des effectifs de l’IBAMA, etc).
Accampamiento Terra Livre – Brasilia 2022 – ©E.FAVRICHON
Cette dynamique s’est poursuivie tout au long de son mandat avec le développement de nombreux projets de loi extrêmement dangereux pour l’environnement mais aussi pour les peuples autochtones. C’est par exemple le cas du projet de loi 191/2020 qui vise à faciliter la prospection et l’exploitation minière des entreprises sur les territoires autochtones. Ce projet de loi a été priorisé sous la présidence de Bolsonaro malgré la forte opposition des représentant·e·s autochtones et des membres de la société civile.
Le niveau de déforestation rappelle les années sombres de la décennie 2 000
Durant le mandat du président Jair Bolsonaro, l’impact de sa politique néo-libérale et pro-business, entraînant un laxisme envers les atteintes à l’environnement (réduction de 93% des amendes pour atteinte à la végétation dans les États du biome amazonien) a fait exploser la déforestation en Amazonie légale. En 3 ans, plus de 34 000 km² ont été détruits (2019-2021), soit une augmentation de 52% par rapport aux trois années précédentes (2016-2018).
Augmentation des assassinats d’activistes environnementaux
La présidence de Jair Bolsonaro est également celle de tous les dangers pour les activistes environnementaux. Entre 2012 et 2021, l’ONG Global Witness a recensé 342 assassinats d’activistes au Brésil, record mondial. Les conflits autour de la protection des terres et des forêts sont les principales motivations de ces attaques, puisque 85% des meurtres de la dernière décennie ont eu lieu en Amazonie. Le président d’extrême-droite crée un contexte favorable à ces assassinats en affaiblissant la protection des terres autochtones, en supprimant par exemple la responsabilité de la démarcation des terres autochtones à la Funai (Fondation nationale de l’Indien). De plus, alors que le précédent gouvernement avait signé l’accord d’Escazu, premier traité international au monde à inclure des dispositions sur les droits des défenseurs de l’environnement, Bolsonaro ne l’a toujours pas ratifié.
Les impacts potentiels d’une réélection :
Si Lula da Silva est pour l’instant en tête des intentions de vote, la dynamique semble être du côté du président sortant. Bolsonaro a en effet bénéficié au premier tour d’un sursaut électoral : les sondages donnaient 15 points d’avance à Lula, il n’en a finalement que 5. Une réélection de Jair Bolsonaro pourrait avoir de nombreuses conséquences désastreuses pour le futur de l’Amazonie. Alors qu’il jouit désormais d’un soutien plus important du Sénat, un nouveau mandat lui permettrait de démanteler le reste des politiques de protection environnementales, déjà mises à mal.
Un rapport publié le 6 septembre indique que la forêt amazonienne a atteint son “point de bascule”*. Ce terme désigne le moment où la forêt, à cause du dérèglement climatique et de la déforestation, n’est plus capable d’entretenir ses propres pluies et autres services écosystémiques. Les conséquences sont une transformation de la forêt vers un état de savane, entraînant d’énormes pertes de biodiversité et de capacités d’absorption du CO2. Pour préserver l’Amazonie, il faudrait restaurer 6% de la forêt d’ici à 2025, soit une surface de 54 millions d’hectares. Un objectif incompatible avec la réélection de Jair Bolsonaro.
*Selon un rapport publié le 6 septembre par un regroupement d’organisations environnementales amazoniennes (RAISG) et la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien (Coica), la forêt pluviale a atteint son « point de bascule »
La responsabilité de la France :
Une réélection de Jair Bolsonaro ce dimanche 30 octobre continuerait d’offrir un cadre légal et politique clairement favorable à la déforestation. Dans ce contexte, la responsabilité du gouvernement et des entreprises français·es sera d’autant plus important.
Les entreprises telles que les groupes Casino ou Carrefour réalisent une part significative de leurs chiffres d’affaires au Brésil en profitant d’activités comme la vente de produits carnés à l’origine de 80% de la déforestation. De la même façon, des acteurs financiers financent des entreprises responsables de la déforestation. C’est le cas de la BNP Paribas récemment épinglée pour son financement à Marfrig, géant de l’agrobusiness brésilien.
Ces acteurs, déjà dénoncés voire attaqués en justice pour leur participation à la déforestation depuis plusieurs années, seront d’autant plus responsables et surveillés s’ils continuent leurs activités. Cela reviendrait à cautionner sciemment cette destruction de l’environnement et de l’humain.
« Quelque soit le résultat de ces élections brésiliennes, la destruction des écosystèmes brésiliens restera de la responsabilité des entreprises françaises. Celles-ci doivent changer complètement de mentalité pour répondre à l’urgence environnementale et sociale » affirme Elie Favrichon chargé de campagne Envol Vert
Mobilisation des représentants des peuples autochtones devant le tribunal de Paris dans le cadre de l’action légale contre le groupe Casino – Paris 2022 – ©Midori Hamada
Si cette politique de la déforestation se poursuit pour quatre nouvelles années au Brésil, il est d’autant plus important qu’une réglementation européenne ambitieuse incluant l’ensemble des écosystèmes et toutes les matières premières soit rapidement adoptée et mise en œuvre. Sans cela, il deviendra impossible de s’assurer que les produits que nous consommons ne sont pas issus de la déforestation. La réglementation est actuellement en négociation entre la Commission, le Parlement et le Conseil de l’Europe.
Peu importe le résultat des élections, nous pouvons agir à notre échelle pour réduire notre pression sur les écosystèmes menacés au Brésil.
Pour se faire, réduisons notre consommation de viande car nos animaux d’élevage sont nourris avec du soja provenant majoritairement (env. 60%) du Brésil et notamment du Cerrado.
Mesurez votre impact sur les forêts grâce à notre outil Empreinte Forêt :
Pâturage post-déforestation dans le Mato Grosso – Brésil 2022 ©E.FAVRICHON
MAJ au 02/11/2022 : La victoire de Lula ne doit pas être un passe-droit aux entreprises françaises pour continuer à déforester.
Le 30 octobre 2022, Lula Inacio da Silva a remporté le second tour des élections présidentielles en obtenant 50,9% des votes. Malgré cette victoire qui suscite l’espoir de voir l’Amazonie davantage protégée, la marge de manœuvre du nouveau président sera limitée. |
Ce dimanche 30 octobre aura lieu le deuxième tour des élections présidentielles au Brésil, qui permettent au peuple brésilien d’élire leur chef de l’Etat pour les quatre prochaines années. Ce scrutin opposera l’actuel chef de l’Etat Jair Bolsonaro, qui a obtenu 43,2% des suffrages soit 51 millions de voix au premier tour. Face à lui l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, arrivé en tête de cinq points au premier tour grâce à 57,2 millions de voix. Le deuxième tour verra donc s’affronter les deux candidats dans un duel au coude à coude où se joue le futur de la forêt amazonienne et d’autres écosystèmes en danger.
L’héritage de son mandat
La réélection de Jair Bolsonaro fait peser une menace forte sur l’environnement et notamment sur la forêt. Déjà au pouvoir depuis quatre années, les mesures mises en place par son gouvernement ont fortement participé à la destruction des écosystèmes tels que la forêt amazonienne et les savanes du Cerrado.
Surnommé “capitaine-tronçonneuse”, il a dès le début de son mandat porté des coups à la lutte contre la déforestation. Il a par exemple transféré des prérogatives du ministère de l’Environnement (attribution des permis environnementaux et délimitation de l’Amazonie légale) au ministère de l’Agriculture, et a bâillonné les agences environnementales du pays (licenciement du directeur de l’INPE, réduction des effectifs de l’IBAMA, etc).
Accampamiento Terra Livre – Brasilia 2022 – ©E.FAVRICHON
Cette dynamique s’est poursuivie tout au long de son mandat avec le développement de nombreux projets de loi extrêmement dangereux pour l’environnement mais aussi pour les peuples autochtones. C’est par exemple le cas du projet de loi 191/2020 qui vise à faciliter la prospection et l’exploitation minière des entreprises sur les territoires autochtones. Ce projet de loi a été priorisé sous la présidence de Bolsonaro malgré la forte opposition des représentant·e·s autochtones et des membres de la société civile.
Le niveau de déforestation rappelle les années sombres de la décennie 2 000
Durant le mandat du président Jair Bolsonaro, l’impact de sa politique néo-libérale et pro-business, entraînant un laxisme envers les atteintes à l’environnement (réduction de 93% des amendes pour atteinte à la végétation dans les États du biome amazonien) a fait exploser la déforestation en Amazonie légale. En 3 ans, plus de 34 000 km² ont été détruits (2019-2021), soit une augmentation de 52% par rapport aux trois années précédentes (2016-2018).
Augmentation des assassinats d’activistes environnementaux
La présidence de Jair Bolsonaro est également celle de tous les dangers pour les activistes environnementaux. Entre 2012 et 2021, l’ONG Global Witness a recensé 342 assassinats d’activistes au Brésil, record mondial. Les conflits autour de la protection des terres et des forêts sont les principales motivations de ces attaques, puisque 85% des meurtres de la dernière décennie ont eu lieu en Amazonie. Le président d’extrême-droite crée un contexte favorable à ces assassinats en affaiblissant la protection des terres autochtones, en supprimant par exemple la responsabilité de la démarcation des terres autochtones à la Funai (Fondation nationale de l’Indien). De plus, alors que le précédent gouvernement avait signé l’accord d’Escazu, premier traité international au monde à inclure des dispositions sur les droits des défenseurs de l’environnement, Bolsonaro ne l’a toujours pas ratifié.
Les impacts potentiels d’une réélection :
Si Lula da Silva est pour l’instant en tête des intentions de vote, la dynamique semble être du côté du président sortant. Bolsonaro a en effet bénéficié au premier tour d’un sursaut électoral : les sondages donnaient 15 points d’avance à Lula, il n’en a finalement que 5. Une réélection de Jair Bolsonaro pourrait avoir de nombreuses conséquences désastreuses pour le futur de l’Amazonie. Alors qu’il jouit désormais d’un soutien plus important du Sénat, un nouveau mandat lui permettrait de démanteler le reste des politiques de protection environnementales, déjà mises à mal.
Un rapport publié le 6 septembre indique que la forêt amazonienne a atteint son “point de bascule”*. Ce terme désigne le moment où la forêt, à cause du dérèglement climatique et de la déforestation, n’est plus capable d’entretenir ses propres pluies et autres services écosystémiques. Les conséquences sont une transformation de la forêt vers un état de savane, entraînant d’énormes pertes de biodiversité et de capacités d’absorption du CO2. Pour préserver l’Amazonie, il faudrait restaurer 6% de la forêt d’ici à 2025, soit une surface de 54 millions d’hectares. Un objectif incompatible avec la réélection de Jair Bolsonaro.
*Selon un rapport publié le 6 septembre par un regroupement d’organisations environnementales amazoniennes (RAISG) et la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien (Coica), la forêt pluviale a atteint son « point de bascule »
La responsabilité de la France :
Une réélection de Jair Bolsonaro ce dimanche 30 octobre continuerait d’offrir un cadre légal et politique clairement favorable à la déforestation. Dans ce contexte, la responsabilité du gouvernement et des entreprises français·es sera d’autant plus important.
Les entreprises telles que les groupes Casino ou Carrefour réalisent une part significative de leurs chiffres d’affaires au Brésil en profitant d’activités comme la vente de produits carnés à l’origine de 80% de la déforestation. De la même façon, des acteurs financiers financent des entreprises responsables de la déforestation. C’est le cas de la BNP Paribas récemment épinglée pour son financement à Marfrig, géant de l’agrobusiness brésilien.
Ces acteurs, déjà dénoncés voire attaqués en justice pour leur participation à la déforestation depuis plusieurs années, seront d’autant plus responsables et surveillés s’ils continuent leurs activités. Cela reviendrait à cautionner sciemment cette destruction de l’environnement et de l’humain.
« Quelque soit le résultat de ces élections brésiliennes, la destruction des écosystèmes brésiliens restera de la responsabilité des entreprises françaises. Celles-ci doivent changer complètement de mentalité pour répondre à l’urgence environnementale et sociale » affirme Elie Favrichon chargé de campagne Envol Vert
Mobilisation des représentants des peuples autochtones devant le tribunal de Paris dans le cadre de l’action légale contre le groupe Casino – Paris 2022 – ©Midori Hamada
Si cette politique de la déforestation se poursuit pour quatre nouvelles années au Brésil, il est d’autant plus important qu’une réglementation européenne ambitieuse incluant l’ensemble des écosystèmes et toutes les matières premières soit rapidement adoptée et mise en œuvre. Sans cela, il deviendra impossible de s’assurer que les produits que nous consommons ne sont pas issus de la déforestation. La réglementation est actuellement en négociation entre la Commission, le Parlement et le Conseil de l’Europe.
Peu importe le résultat des élections, nous pouvons agir à notre échelle pour réduire notre pression sur les écosystèmes menacés au Brésil.
Pour se faire, réduisons notre consommation de viande car nos animaux d’élevage sont nourris avec du soja provenant majoritairement (env. 60%) du Brésil et notamment du Cerrado.
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