Publié le : 13/08/20228 min de lecture

Quand les communautés se rencontrent : échanges autour de la reforestation en Amazonie

En juillet dernier, trois ONG franco-colombiennes ont organisé une rencontre entre des communautés indigènes d’Amazonie, des Caraïbes et de la région andine. Le but : échanger des bonnes pratiques autour de la reforestation et de la protection de la biodiversité.

Se réunir pour l’environnement

Quand un paysan du Nariño (Sud-Ouest de la Colombie) rencontre un paysan d’Amazonie (Sud-Est), que se racontent ils ? Des histoires de graines, de reforestation, de lune, de moustiques, d’humidité, de jungle, de cosmogonie, de miel, de pépinières, de fièvre jaune, de danse et de mille autres choses de la vie. C’est que ce genre de rendez-vous ne se produit pas si souvent, alors il faut tout aborder : la distance entre Combal, dans le Nariño et San Martin, en Amazonie, ne se calcule plus en kilomètres, ni même en heures de voyage.

Ce sont presque deux mondes qui se retrouvent, des croyances différentes, une nature distincte, une amplitude thermique tourneboulée, des quotidiens parfois opposés. Mais une même obsession : respecter, protéger et comprendre au mieux la mère Nature. 

Des Caraïbes à l’Amazonie en passant par la région Andine

Cette rencontre, survenue en juillet 2022, on la doit à la volonté de trois ONG franco-colombiennes : Impulso Verde, Forest’ever y Envol Vert. Les trois associations sont dédiées à la reforestation, la protection des forêts et de la biodiversité. Chacune œuvre dans une région différente de Colombie (région andine, amazonienne et Caraïbes), avec des réalités de terrain distinctes, mais des préoccupations communes : les trois s’attachent à la restauration des écosystèmes forestiers en même temps qu’au renforcement de la société civile avec les communautés indigènes, afro-descendantes et/ou victimes et personnes déplacées du conflit interne en Colombie.

Chercher des alternatives à la déforestation en s’appuyant et en formant des réseaux de communautés, tel est, en partie, le credo de ces organisations majoritairement financées par la France, l’Agence française de développement-AFD en tête.

Participants de Forestever

Participants d’Impulso Verde

Participants d’Envol Vert 

Partager les savoirs pour mieux protéger la biodiversité

Partant du principe que le savoir se partage pour générer plus de connaissances, l’idée d’une série d’échanges pour faciliter la circulation d’informations est née en 2021. Le premier échange de connaissances a eu lieu en novembre 2021, entre les communautés des trois zones, à Ovejas dans le département de Sucre. Le deuxième volet, du 3 au 7 juillet 2022, s’est donc déroulé chez les communautés de San Martín de Amacayacu et Arara, dans la municipalité de Leticia, dans le trapèze amazonien colombien.

Au programme, cette fois aussi des présentations théoriques et des ateliers pratiques, des visites de terrain et des retours d’expérience en matière de pépinières, de restauration de corridors écologiques, et de projets de transformation de produits naturels en alternatives économiques. Chacun vient avec son expérience, pour la raconter et apprendre de celles des autres.

Rendez-vous en terre inconnue

Cette fois, la rencontre s’est déroulée chez la communauté indigène de San Martin de Amacayacu et Arara, les TICUNA, dont le peuple est le plus grand groupe ethnique de l’Amazonie ; on en compterait plus de 15 000 représentants. Ils vivent essentiellement de la pêche, de la chasse et de la culture du manioc, qu’ils transforment en fariña

L’un des éléments centraux et vitaux de leur village est le chagra, sorte de jardin potager où les indigènes cultivent des aliments et des plantes comme le manioc (yucca), les bananes, l’aguaje ou moriche, le cacao et l’açai. Ces espaces sont gérés par rotation et lorsque les indigènes décident de laisser la terre se reposer, ils plantent des arbres forestiers pour garantir ensuite la disponibilité du bois.

Chaque chagra a des périodes de culture d’environ quatre ans et ainsi, lorsqu’ils reviennent à un endroit qui a été cultivé par le passé, le sol est sain pour un nouveau cycle de culture. Ce modèle de rotation permet une utilisation plus optimisée des ressources de la forêt et la durabilité des communautés indigènes.

L’autre espace central du village, là où s’organisent tous les échanges, s’appelle la maloca, un énorme bâtiment fait de bois et de caraná qui symbolise l’expression physique de la connaissance et du respect de la nature. C’est là, sur le sol en terre compressée, que tout le groupe, mélange d’Amazoniens, d’Andins, de Caribéens et de Français s’est installé pour suivre les divers ateliers de la rencontre.

Les ateliers : apprendre de l’autre

La spiritualité est omniprésente dans les cultures indigènes, et l’ouverture de la rencontre ne pouvait passer à côté de cette dimension. Avant de commencer les ateliers, le groupe de Nariño a donc préparé une cérémonie : le rituel d’harmonisation au nom du soleil des Pastos, une activité axée sur la canalisation de la spiritualité et de l’enseignement afin de préparer les corps et les esprits aux activités d’apprentissage.

Ensuite, place au travail !

Atelier sur les alternatives économiques

Trouver des alternatives économiques à la déforestation et permettre aux communautés de développer de nouveaux types de ressources naturelles est une préoccupation majeure. Lors de cet atelier, les organisations Impulso Verde et Envol Vert ont présenté les produits qu’elles ont développés avec les agriculteurs de leur région, par exemple les savons écologiques, le miel et la farine de guáimaro.

Les Ticunas, eux, ont montré à leurs visiteurs leur usine de transformation de la pulpe d’açai, un palmier amazonien cultivé pour son fruit, qui fait partie du régime alimentaire indigène et possède des propriétés nutritionnelles majeures. Il est utilisé pour fabriquer des boissons, des glaces et diverses préparations alimentaires. Pour les Ticunas, la culture de l’açai est une entreprise verte qui a désormais fait ses preuves et permet à plusieurs familles de vivre.

Atelier du calendrier écologique

Le but est de parvenir à déterminer le meilleur moment où planter, semer et récolter,  en fonction de la période de l’année et notamment du calendrier lunaire. Chaque région a dressé une carte mensuelle de la disponibilité des espèces généralement cultivées dans leurs communautés, une information précieuse pour la sauvegarde des connaissances ancestrales et la protection de la diversité biologique de leurs lieux d’origine. Car si les Anciens connaissent la relation entre les cycles de la Lune et les cultures, ce précieux savoir à tendance à disparaître, faute de ne pas être consigné par écrit ni partagé. Les groupes ont donc chacun dessiné, avec des peintures naturelles, des calendriers écologiques en fonction de l’écosystème dans lequel ils évoluent et des graines dont ils disposent.

Atelier sur la Route de l’Agroforesterie

Envol Vert, qui a développé l’outil « Route de l’Agroforesterie » (ou Ruta Agroforestal), a pu profité de l’espace qui lui était offert lors de cette rencontre pour expliquer la valeur et l’objectif de cet outil. Il réunit en effet toute l’expérience et les orientations de l’organisation quant à la mise en oeuvre de systèmes agroforestiers.

Au cours de l’exposé, les membres d’Envol Vert ont pu détailler les contenus disponibles sur la plateforme et ont invité leurs pairs à s’y rendre pour accéder à l’information. En complément, les participants de la côte Caraïbes ont pu expliciter mais aussi réduire leurs doutes sur la gestion des pépinières communautaires et la distribution des responsabilités en vue de réaliser un tel projet. 

Visite de Mocagua

La Fondation Maikuchiga, en plus de mener des processus de protection et de conservation de la forêt et de sa biodiversité et du tourisme communautaire, réhabilite les primates qui ont été victimes de la chasse ou du commerce illégal d’animaux sauvages. Les singes qui ont été arrachés à leur habitat arrivent dans ses installations et entament un processus d’adaptation en vue de leur future libération. Les visiteurs ont donc découvert ce centre de protection des singes et ont pu se connecter avec la forêt amazonienne et les êtres qui l’habitent.

Saúl Mendoza de la Fondation Maikuchiga

Et maintenant ?

La prochaine rencontre aura lieu en novembre 2022 et sera dirigée par Impulso Verde et les communautés de Nariño. Des visiteurs venus des Caraïbes et de l’Amazonie se rendront dans les Andes, près de la frontière avec l’Équateur, pour faire connaissance avec une région riche en enjeux écosystémiques et culturels, elle aussi marquée par la recherche d’alternatives à la déforestation.

Nous nous reverrons !

 

Photographies : Juan Carlos Valencia M

Publié le : 13/08/20228 min de lecture

Quand les communautés se rencontrent : échanges autour de la reforestation en Amazonie

En juillet dernier, trois ONG franco-colombiennes ont organisé une rencontre entre des communautés indigènes d’Amazonie, des Caraïbes et de la région andine. Le but : échanger des bonnes pratiques autour de la reforestation et de la protection de la biodiversité.

Se réunir pour l’environnement

Quand un paysan du Nariño (Sud-Ouest de la Colombie) rencontre un paysan d’Amazonie (Sud-Est), que se racontent ils ? Des histoires de graines, de reforestation, de lune, de moustiques, d’humidité, de jungle, de cosmogonie, de miel, de pépinières, de fièvre jaune, de danse et de mille autres choses de la vie. C’est que ce genre de rendez-vous ne se produit pas si souvent, alors il faut tout aborder : la distance entre Combal, dans le Nariño et San Martin, en Amazonie, ne se calcule plus en kilomètres, ni même en heures de voyage.

Ce sont presque deux mondes qui se retrouvent, des croyances différentes, une nature distincte, une amplitude thermique tourneboulée, des quotidiens parfois opposés. Mais une même obsession : respecter, protéger et comprendre au mieux la mère Nature. 

Des Caraïbes à l’Amazonie en passant par la région Andine

Cette rencontre, survenue en juillet 2022, on la doit à la volonté de trois ONG franco-colombiennes : Impulso Verde, Forest’ever y Envol Vert. Les trois associations sont dédiées à la reforestation, la protection des forêts et de la biodiversité. Chacune œuvre dans une région différente de Colombie (région andine, amazonienne et Caraïbes), avec des réalités de terrain distinctes, mais des préoccupations communes : les trois s’attachent à la restauration des écosystèmes forestiers en même temps qu’au renforcement de la société civile avec les communautés indigènes, afro-descendantes et/ou victimes et personnes déplacées du conflit interne en Colombie.

Chercher des alternatives à la déforestation en s’appuyant et en formant des réseaux de communautés, tel est, en partie, le credo de ces organisations majoritairement financées par la France, l’Agence française de développement-AFD en tête.

Participants de Forestever

Participants d’Impulso Verde

Participants d’Envol Vert 

Partager les savoirs pour mieux protéger la biodiversité

Partant du principe que le savoir se partage pour générer plus de connaissances, l’idée d’une série d’échanges pour faciliter la circulation d’informations est née en 2021. Le premier échange de connaissances a eu lieu en novembre 2021, entre les communautés des trois zones, à Ovejas dans le département de Sucre. Le deuxième volet, du 3 au 7 juillet 2022, s’est donc déroulé chez les communautés de San Martín de Amacayacu et Arara, dans la municipalité de Leticia, dans le trapèze amazonien colombien.

Au programme, cette fois aussi des présentations théoriques et des ateliers pratiques, des visites de terrain et des retours d’expérience en matière de pépinières, de restauration de corridors écologiques, et de projets de transformation de produits naturels en alternatives économiques. Chacun vient avec son expérience, pour la raconter et apprendre de celles des autres.

Rendez-vous en terre inconnue

Cette fois, la rencontre s’est déroulée chez la communauté indigène de San Martin de Amacayacu et Arara, les TICUNA, dont le peuple est le plus grand groupe ethnique de l’Amazonie ; on en compterait plus de 15 000 représentants. Ils vivent essentiellement de la pêche, de la chasse et de la culture du manioc, qu’ils transforment en fariña

L’un des éléments centraux et vitaux de leur village est le chagra, sorte de jardin potager où les indigènes cultivent des aliments et des plantes comme le manioc (yucca), les bananes, l’aguaje ou moriche, le cacao et l’açai. Ces espaces sont gérés par rotation et lorsque les indigènes décident de laisser la terre se reposer, ils plantent des arbres forestiers pour garantir ensuite la disponibilité du bois.

Chaque chagra a des périodes de culture d’environ quatre ans et ainsi, lorsqu’ils reviennent à un endroit qui a été cultivé par le passé, le sol est sain pour un nouveau cycle de culture. Ce modèle de rotation permet une utilisation plus optimisée des ressources de la forêt et la durabilité des communautés indigènes.

L’autre espace central du village, là où s’organisent tous les échanges, s’appelle la maloca, un énorme bâtiment fait de bois et de caraná qui symbolise l’expression physique de la connaissance et du respect de la nature. C’est là, sur le sol en terre compressée, que tout le groupe, mélange d’Amazoniens, d’Andins, de Caribéens et de Français s’est installé pour suivre les divers ateliers de la rencontre.

Les ateliers : apprendre de l’autre

La spiritualité est omniprésente dans les cultures indigènes, et l’ouverture de la rencontre ne pouvait passer à côté de cette dimension. Avant de commencer les ateliers, le groupe de Nariño a donc préparé une cérémonie : le rituel d’harmonisation au nom du soleil des Pastos, une activité axée sur la canalisation de la spiritualité et de l’enseignement afin de préparer les corps et les esprits aux activités d’apprentissage.

Ensuite, place au travail !

Atelier sur les alternatives économiques

Trouver des alternatives économiques à la déforestation et permettre aux communautés de développer de nouveaux types de ressources naturelles est une préoccupation majeure. Lors de cet atelier, les organisations Impulso Verde et Envol Vert ont présenté les produits qu’elles ont développés avec les agriculteurs de leur région, par exemple les savons écologiques, le miel et la farine de guáimaro.

Les Ticunas, eux, ont montré à leurs visiteurs leur usine de transformation de la pulpe d’açai, un palmier amazonien cultivé pour son fruit, qui fait partie du régime alimentaire indigène et possède des propriétés nutritionnelles majeures. Il est utilisé pour fabriquer des boissons, des glaces et diverses préparations alimentaires. Pour les Ticunas, la culture de l’açai est une entreprise verte qui a désormais fait ses preuves et permet à plusieurs familles de vivre.

Atelier du calendrier écologique

Le but est de parvenir à déterminer le meilleur moment où planter, semer et récolter,  en fonction de la période de l’année et notamment du calendrier lunaire. Chaque région a dressé une carte mensuelle de la disponibilité des espèces généralement cultivées dans leurs communautés, une information précieuse pour la sauvegarde des connaissances ancestrales et la protection de la diversité biologique de leurs lieux d’origine. Car si les Anciens connaissent la relation entre les cycles de la Lune et les cultures, ce précieux savoir à tendance à disparaître, faute de ne pas être consigné par écrit ni partagé. Les groupes ont donc chacun dessiné, avec des peintures naturelles, des calendriers écologiques en fonction de l’écosystème dans lequel ils évoluent et des graines dont ils disposent.

Atelier sur la Route de l’Agroforesterie

Envol Vert, qui a développé l’outil « Route de l’Agroforesterie » (ou Ruta Agroforestal), a pu profité de l’espace qui lui était offert lors de cette rencontre pour expliquer la valeur et l’objectif de cet outil. Il réunit en effet toute l’expérience et les orientations de l’organisation quant à la mise en oeuvre de systèmes agroforestiers.

Au cours de l’exposé, les membres d’Envol Vert ont pu détailler les contenus disponibles sur la plateforme et ont invité leurs pairs à s’y rendre pour accéder à l’information. En complément, les participants de la côte Caraïbes ont pu expliciter mais aussi réduire leurs doutes sur la gestion des pépinières communautaires et la distribution des responsabilités en vue de réaliser un tel projet. 

Visite de Mocagua

La Fondation Maikuchiga, en plus de mener des processus de protection et de conservation de la forêt et de sa biodiversité et du tourisme communautaire, réhabilite les primates qui ont été victimes de la chasse ou du commerce illégal d’animaux sauvages. Les singes qui ont été arrachés à leur habitat arrivent dans ses installations et entament un processus d’adaptation en vue de leur future libération. Les visiteurs ont donc découvert ce centre de protection des singes et ont pu se connecter avec la forêt amazonienne et les êtres qui l’habitent.

Saúl Mendoza de la Fondation Maikuchiga

Et maintenant ?

La prochaine rencontre aura lieu en novembre 2022 et sera dirigée par Impulso Verde et les communautés de Nariño. Des visiteurs venus des Caraïbes et de l’Amazonie se rendront dans les Andes, près de la frontière avec l’Équateur, pour faire connaissance avec une région riche en enjeux écosystémiques et culturels, elle aussi marquée par la recherche d’alternatives à la déforestation.

Nous nous reverrons !

 

Photographies : Juan Carlos Valencia M

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