Les représentants des peuples originaires se sont mobilisés à Brasilia durant 10 jours début avril pour manifester leur opposition aux politiques qui détruisent leurs territoires et leurs modes de vie.
Cet événement montre l’impact violent de la production de matières premières, importées en Europe ou vendues localement, par les entreprises françaises et européennes (viande et soja principalement). La campagne « Nourrir un Monde Déforesté » que nous menons depuis deux ans contre le manque de vigilance du groupe Casino en Amazonie brésilienne et colombienne s’inscrit pleinement dans ce mouvement.
L’ATL, ou Acampamento Terra Livre, est l’un des événements majeurs pour les représentants des peuples originaires du Brésil. Organisé principalement par l’APIB (Articulação dos Povos Indígenas do Brasil), il s’est déroulé du 4 au 14 avril 2022 au centre culturel de Brasilia. 8 000 membres de plus de 200 peuples originaires ont investi la capitale pour dénoncer les atteintes à leurs droits ancestraux. Cet événement a lieu tous les ans depuis maintenant 18 ans, mais n’a pu se tenir en présentiel depuis maintenant deux ans à cause de la crise du Covid.
L’événement porte donc deux enjeux : montrer l’importance du mouvement malgré deux années d’isolement et influer sur les élections présidentielles brésiliennes qui auront lieu en octobre 2022.
Marche des peuples originaires lors de l’ATL à Brasilia, avril 2022
Depuis le campement de l’ATL et jusqu’à la place “des 3 pouvoirs” où se trouve le congrès national de Brasilia, de nombreux événements se sont succédés pour animer ses 10 jours d’occupations. Les réunions plénières, chants et danses traditionnelles des peuples originaires avaient pour objectif commun de dénoncer les politiques publiques du gouvernement qui menacent directement leurs territoires, leurs cultures et leurs modes de vie. En effet, le Brésil voit ses populations originaires être menacées et tuées à un rythme croissant sous la justification de la valorisation économique des territoires – valorisation ayant lieu via une prospection minière et énergétique et une déforestation pour la mise en place de culture. Ainsi, le rapport Ipea – Atlas da Violencia v.2.7 – Bem Vindo explique la concentration des homicides dans les zones avec des conflits fonciers, notamment les zones d’Amazonie légale et celles avec des territoires indigènes.
Dans son article de septembre 2021, Cristiane Sampaio, reporter brésilienne, comptabilise une augmentation de 22% des homicides en 10 ans à l’encontre des populations des peuples originaires.
Cette intrusion sur les terres indigènes, s’accompagne généralement d’une destruction des écosystèmes tels que la forêt Amazonienne. Or, celle-ci participe à la régulation du cycle de l’eau et du climat. De surcroît, ce sont des zones d’alimentation et de cultures traditionnelles qui disparaissent pour les peuples originaires. Comme le montre une étude technique de l’ISA (Instituto Socioambiental) sur la base des données de l’INPE (Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais), lors des trois premières années du mandat de Jair Bolsonaro (2019-2021), la déforestation dans les territoires indigènes (TI) de l’Amazonie légale a augmenté de 138% par rapport aux trois précédentes années (2016-2018).
Pancarte en opposition au projet de loi 191
La vision productiviste du gouvernement de Jair Bolsonaro est la principale cause de ces exactions. Motivé à l’idée de “développer cette zone sauvage”, le projet de loi PL191, proposé en 2020 en est le parfait exemple. Seront désormais autorisés “la prospection de minerais, d’hydrocarbures et de ressources hydriques pour la production d’électricité dans les territoires indigènes ainsi que les compensations pour l’usufruit des terres indigènes” alors même que cela va à l’encontre des dispositions prises dans la constitution de 1988, qui donne l’entière usufruit des territoires indigènes (ressources minières, lacs et rivières) aux peuples originaires eux-mêmes (article 231 §2).
Déjà victimes d’invasions illégales sur leurs territoires, la promulgation d’une loi légalisant pleinement la prospection et l’invasion aurait un violent impact sur la vie des populations autochtones.
L’ATL n’est pas uniquement là pour parler du PL 191 en cours d’être voté. L’objectif est de se défendre de l’ensemble des atteintes, qu’elles soit environnementales comme la déforestation ou l’invasion des terres, sociales, comme la discrimination, l’atteinte aux droits humains et la protection de la santé. Une journée complète (08/04/2022) était par exemple organisée autour de la place des femmes dans les mouvements de luttes des populations originaires. L’un des autres combats majeurs qui fut retranscrit en ces deux mots : “Demarcaçao já” (“démarcation maintenant”) consiste à lutter pour une démarcation juste et rapide des territoires des peuples originaires.
« Demarcaçao Ja », ATL, Brasilia, avril 2022
« Demarcaçao Ja », ATL, Brasilia, avril 2022
Quels liens avec la France ?
Cet événement pourrait être indifférent à la France, malheureusement ce n’est pas le cas. Ces propositions de lois du gouvernement brésilien visent à favoriser le développement de l’économie extractiviste sur les terres indigènes. Or, ce choix n’est qu’une réponse à l’augmentation des demandes du commerce international. Celles-ci sont liées notamment aux différents besoins d’importations de matières premières tels que le soja des pays occidentaux. Mais les gouvernements ne sont pas les seuls responsables, les grandes compagnies françaises ont une part importante de responsabilité dans cette dynamique commerciale destructrice de l’environnement et des peuples originaires.
C’est notamment l’un des axes de campagne sur lequel travaille Envol Vert depuis plusieurs années : dénoncer le manque de vigilance dans les pratiques de traçabilité des groupes de distribution français (Casino et Carrefour) en Amérique du Sud. Pour obtenir un changement important et une réparation des dommages commis, nous avons attaqué avec dix autres organisations et membres des peuples originaires du Brésil et de Colombie le groupe Casino en justice le 3 mars 2021. Nous lui demandons d’inclure un contrôle complet des fournisseurs indirects, une transparence des données ainsi qu’une réparation de sa participation à la déforestation dans les territoires indigènes.
Pour se faire, nous nous appuyons sur la loi de devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordres qui oblige les entreprises françaises de plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde à un devoir de vigilance sur leurs activités et celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants sur l’ensemble des territoires concernés même hors de France.
N’hésitez pas à suivre les avancées du procès sur la page dédiée :
Les représentants des peuples originaires se sont mobilisés à Brasilia durant 10 jours début avril pour manifester leur opposition aux politiques qui détruisent leurs territoires et leurs modes de vie.
Cet événement montre l’impact violent de la production de matières premières, importées en Europe ou vendues localement, par les entreprises françaises et européennes (viande et soja principalement). La campagne « Nourrir un Monde Déforesté » que nous menons depuis deux ans contre le manque de vigilance du groupe Casino en Amazonie brésilienne et colombienne s’inscrit pleinement dans ce mouvement.
L’ATL, ou Acampamento Terra Livre, est l’un des événements majeurs pour les représentants des peuples originaires du Brésil. Organisé principalement par l’APIB (Articulação dos Povos Indígenas do Brasil), il s’est déroulé du 4 au 14 avril 2022 au centre culturel de Brasilia. 8 000 membres de plus de 200 peuples originaires ont investi la capitale pour dénoncer les atteintes à leurs droits ancestraux. Cet événement a lieu tous les ans depuis maintenant 18 ans, mais n’a pu se tenir en présentiel depuis maintenant deux ans à cause de la crise du Covid.
L’événement porte donc deux enjeux : montrer l’importance du mouvement malgré deux années d’isolement et influer sur les élections présidentielles brésiliennes qui auront lieu en octobre 2022.
Marche des peuples originaires lors de l’ATL à Brasilia, avril 2022
Depuis le campement de l’ATL et jusqu’à la place “des 3 pouvoirs” où se trouve le congrès national de Brasilia, de nombreux événements se sont succédés pour animer ses 10 jours d’occupations. Les réunions plénières, chants et danses traditionnelles des peuples originaires avaient pour objectif commun de dénoncer les politiques publiques du gouvernement qui menacent directement leurs territoires, leurs cultures et leurs modes de vie. En effet, le Brésil voit ses populations originaires être menacées et tuées à un rythme croissant sous la justification de la valorisation économique des territoires – valorisation ayant lieu via une prospection minière et énergétique et une déforestation pour la mise en place de culture. Ainsi, le rapport Ipea – Atlas da Violencia v.2.7 – Bem Vindo explique la concentration des homicides dans les zones avec des conflits fonciers, notamment les zones d’Amazonie légale et celles avec des territoires indigènes.
Dans son article de septembre 2021, Cristiane Sampaio, reporter brésilienne, comptabilise une augmentation de 22% des homicides en 10 ans à l’encontre des populations des peuples originaires.
Cette intrusion sur les terres indigènes, s’accompagne généralement d’une destruction des écosystèmes tels que la forêt Amazonienne. Or, celle-ci participe à la régulation du cycle de l’eau et du climat. De surcroît, ce sont des zones d’alimentation et de cultures traditionnelles qui disparaissent pour les peuples originaires. Comme le montre une étude technique de l’ISA (Instituto Socioambiental) sur la base des données de l’INPE (Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais), lors des trois premières années du mandat de Jair Bolsonaro (2019-2021), la déforestation dans les territoires indigènes (TI) de l’Amazonie légale a augmenté de 138% par rapport aux trois précédentes années (2016-2018).
Pancarte en opposition au projet de loi 191
La vision productiviste du gouvernement de Jair Bolsonaro est la principale cause de ces exactions. Motivé à l’idée de “développer cette zone sauvage”, le projet de loi PL191, proposé en 2020 en est le parfait exemple. Seront désormais autorisés “la prospection de minerais, d’hydrocarbures et de ressources hydriques pour la production d’électricité dans les territoires indigènes ainsi que les compensations pour l’usufruit des terres indigènes” alors même que cela va à l’encontre des dispositions prises dans la constitution de 1988, qui donne l’entière usufruit des territoires indigènes (ressources minières, lacs et rivières) aux peuples originaires eux-mêmes (article 231 §2).
Déjà victimes d’invasions illégales sur leurs territoires, la promulgation d’une loi légalisant pleinement la prospection et l’invasion aurait un violent impact sur la vie des populations autochtones.
L’ATL n’est pas uniquement là pour parler du PL 191 en cours d’être voté. L’objectif est de se défendre de l’ensemble des atteintes, qu’elles soit environnementales comme la déforestation ou l’invasion des terres, sociales, comme la discrimination, l’atteinte aux droits humains et la protection de la santé. Une journée complète (08/04/2022) était par exemple organisée autour de la place des femmes dans les mouvements de luttes des populations originaires. L’un des autres combats majeurs qui fut retranscrit en ces deux mots : “Demarcaçao já” (“démarcation maintenant”) consiste à lutter pour une démarcation juste et rapide des territoires des peuples originaires.
« Demarcaçao Ja », ATL, Brasilia, avril 2022
« Demarcaçao Ja », ATL, Brasilia, avril 2022
Quels liens avec la France ?
Cet événement pourrait être indifférent à la France, malheureusement ce n’est pas le cas. Ces propositions de lois du gouvernement brésilien visent à favoriser le développement de l’économie extractiviste sur les terres indigènes. Or, ce choix n’est qu’une réponse à l’augmentation des demandes du commerce international. Celles-ci sont liées notamment aux différents besoins d’importations de matières premières tels que le soja des pays occidentaux. Mais les gouvernements ne sont pas les seuls responsables, les grandes compagnies françaises ont une part importante de responsabilité dans cette dynamique commerciale destructrice de l’environnement et des peuples originaires.
C’est notamment l’un des axes de campagne sur lequel travaille Envol Vert depuis plusieurs années : dénoncer le manque de vigilance dans les pratiques de traçabilité des groupes de distribution français (Casino et Carrefour) en Amérique du Sud. Pour obtenir un changement important et une réparation des dommages commis, nous avons attaqué avec dix autres organisations et membres des peuples originaires du Brésil et de Colombie le groupe Casino en justice le 3 mars 2021. Nous lui demandons d’inclure un contrôle complet des fournisseurs indirects, une transparence des données ainsi qu’une réparation de sa participation à la déforestation dans les territoires indigènes.
Pour se faire, nous nous appuyons sur la loi de devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordres qui oblige les entreprises françaises de plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde à un devoir de vigilance sur leurs activités et celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants sur l’ensemble des territoires concernés même hors de France.
N’hésitez pas à suivre les avancées du procès sur la page dédiée :