Publié le : 30/04/20248,5 min de lecture

Depuis 1950, on estime que 70% des haies ont disparu en France. Entre 2017 et 2021, environ 23 500 km de haies ont été détruites chaque année en France, soit autant de diversité écologique et de services écosystémiques en moins. Ce phénomène est principalement lié à la fusion des parcelles agricoles (et donc aux aides de la PAC). Récemment, l’État français a choisi de lancer une grande dynamique autour de la réintroduction de haies. A travers le pacte de la haie, l’objectif est de planter 50 000 kilomètres de haies d’ici 2030.

Pourquoi un tel intérêt soudain ? A quoi sert une haie, que véhicule-t-elle ? Quelles sont ses implications ? La haie est-elle politique ? Si oui,

La haie est-elle de gauche ou de droite ?

C’est à travers cette drôle de question que Sonia Feertchak, dans son ouvrage Eloge de la haie. Pour un désordre végétal, nous invite à questionner le rôle politique de la haie. Si l’exercice semble absurde de prime abord, la réponse s’avère en réalité complexe et passionnante. 

La haie est conçue comme une frontière et une délimitation de territoire, marquant ainsi une exclusion de l’extérieur et une notion de propriété privée. Elle serait donc, à priori, plutôt orientée à droite. Toutefois, elle est aussi une marque de lien au territoire, d’intérêt à la biodiversité et de collaboration avec la nature. Dans certains cas, elle aurait même servi de moyen de lutte contre la colonisation : Dans le livre II de la Guerre des Gaules, Jules César relate comment l’entretien des haies de ronciers et d’épineux par le peuple des Nerviens – situés dans l’actuelle Belgique – a pu considérablement ralentir l’avancée des troupes romaines.La sorcière, aujourd’hui symbole de nombreux courants féministes, est nommée en vieil allemand Hagatusjon, qui signifie la déesse des haies.

Cette ambivalence de la haie, frein à la conquête pour les uns, outil d’émancipation pour les autres, se retrouve dans la biodiversité foisonnante qui y est rattachée. En effet, si la haie est d’abord conçue comme une barrière pour le bétail, elle a pour d’autres une utilité bien différente. Pour les chevreuils et les blaireaux, la haie, frontière du mouton, est une route, de la même manière que nos routes goudronnées sont pour eux des frontières.

Car oui, si la haie est bel et bien intimement liée à l’action de l’homme, tout un cortège animal et végétal y est associé. Pour les bourdons, une haie diversifiée est un garde-manger et pour de nombreuses espèces, c’est tout le cycle de vie qui se déroule dans cet écosystème.

Triton marbré observé sur le terrain d’une agricultrice bénéficiaire du projet Au Pré de Mes Arbres

Il suffit de se pencher quelques minutes sur une haie pour être frappé·e de plein fouet par la richesse de la biodiversité (nous vous conseillons par ailleurs d’y aller doucement si vous voulez éviter de vivre cette expression dans son sens littéral). Le mois de mai étant particulièrement propice à l’ébahissement autour des papillons et des batraciens, nous ne pouvons que vous conseiller de prendre cinq minutes de plus lors d’un de vos trajets quotidiens pour faire une pause observatrice en compagnie d’une haie. Face à un tel item, il est urgent de changer de regard et d’apprécier sa complexité, de porter un regard neuf et de voir qu’il peut nous apporter beaucoup, que l’on soit urbain·e, rural·e ou agriculteur·rice.

Les agriculteur·rices peuvent en effet profiter d’un grand nombre d’avantages grâce à la présence d’une haie. On a déjà abordé la richesse de la biodiversité qui leur est rattachée : cette dernière s’accompagne d’une légion d’auxiliaires qui peuvent aider les cultures de diverses manières, tant comme pollinisateurs que comme prédateurs de parasites ou de pathogènes. Cependant, la biodiversité est loin d’être le seul avantage au fait d’entretenir une haie ! En voilà d’autres exemples :

  • Les différentes strates des haies ont un impact direct sur leur environnement : elles protègent les cultures contre le vent et limitent l’érosion des sols et le transport des sédiments par les eaux de surface. Elles limitent également le risque de crues, en améliorant l’infiltration et le stockage de l’eau dans les sols. Les ripisylves, bandes ligneuses situées au bord des cours d’eau, contribuent à filtrer l’eau et maintenir les berges.

  • Les arbres et arbustes, ressources naturelles renouvelables, permettent la production locale de bois sous différentes formes : bois d’œuvre, biomasse et bois énergie , et différents modes de valorisation : bûchettes, plaquettes, bois raméal fragmenté, fagots, litière pour les bêtes… En moyenne une haie produit de l’ordre de 1 à 17 tonnes bois sec / an / km linéaire, très variable selon le type de haie, les essences concernées et la nature du sol.

  • Avec l’augmentation des gaz à effet de serre, les haies et bosquets qui maillent les territoires participent au stockage du carbone et donc à limiter l’impact des gaz à effets de serre sur le dérèglement climatique.

  • Elles contribuent au confort des animaux élevés en plein air, leur offrant des abris contre les intempéries ou le soleil en période de sécheresse. Elles peuvent aussi les nourrir, surtout lors d’événements climatiques extrêmes, comme en cas de sécheresse, par exemple. Plusieurs espèces d’arbres présentent un excellent profil fourrager. C’est le cas du mûrier blanc et du frêne commun, deux espèces traditionnellement utilisées respectivement en zones méditerranéenne et continentale.

Si la haie nous apporte autant, pourquoi en arrache-t-on encore ?

La raison est simple, la haie n’est que peu compatible avec le modèle agro-industriel. En cloisonnant, elle empêche le passage des engins imposants. Son entretien est trop gourmand en temps pour que les agriculteur·rices puissent gérer en parallèle des centaines d’hectares. Sa complexité entre en confrontation directe avec la vision du champ-support de production (considérant qu’un champ n’est qu’une surface de production et non un écosystème vivant), et donc à la standardisation des modèles agricoles.

En réalité, sur la question des haies au sein de nos territoires, ce sont deux imaginaires qui s’affrontent. D’un côté, un imaginaire de paysages vivants, fait de routes-frontières, de strates diversifiées, d’agriculteur·rices paysan·nes et d’une biodiversité riche; de l’autre, des champs standardisés, des paysages lisses, de l’agriculture industrielle et des gestionnaires-entrepreneurs au service de l’agro-industrie. 

La “révolution verte”, importante politique de modernisation et d’industrialisation de l’agriculture française, a entamé une grande entreprise d’arrachage de haies et de destruction de bocage. Pour rappel, depuis les années 50, ce sont 70% des haies qui ont été arrachées. La PAC, en favorisant l’augmentation des surfaces a largement contribué et contribue encore aujourd’hui à ces arrachages. Au sujet de cette même PAC, que dire de la volonté toujours plus affichée depuis quelques années de promouvoir l’utilisation des technologies de pointe (comme l’agrivoltaïsme ou l’utilisation de drones) en agriculture? Ces décisions mettent en péril l’autonomie des agriculteur·rices et paraissent peu compatibles avec la réimplantation massive de haie. 

Aujourd’hui des politiques ambitieuses, notamment portées par des acteurs locaux, permettent de planter chaque année environ 12 000 kilomètres de haies. Or, ces haies nouvelles sont encore loin d’apporter les mêmes bienfaits qu’une haie installée depuis des décennies. Par ailleurs, c’est toujours 11 500 kilomètres qui disparaissent sans être “remplacés” chaque année. 

Alors que faire ?

Le rôle d’Envol Vert et des autres organismes de la haie dans la lutte contre l’arrachage agricole

Envol Vert, par ses actions de sensibilisation, permet de promouvoir l’usage et la réimplantation de haies auprès du grand public des différent·es professionnel·les de l’agriculture. Depuis 2023, Envol Vert conseille les agriculteur·rices sur la mise en place de haies en régénération naturelle assistée. Cette méthode consiste à laisser une zone en libre évolution, observer les arbres qui s’implantent et conserver les arbres intéressants. La même année, plus de 1 500 mètres de linéaires d’arbres ont été plantés chez les agriculteur·rices suivi·es par Envol Vert. 

Aussi, le gouvernement français a mis en place (grâce au plaidoyer de l’AFACH) un label haie. Cet outil permet de rémunérer les agriculteur·rices pour l’entretien de leurs haies et de créer des filières de valorisation du bois issues de ces dernières.

Nous pouvons tous·tes agir en lien avec les associations qui luttent en faveur des haies ! Participez aux campagnes de dons ou même devenez bénévoles dans une association membre de l’AFACH, c’est le cas d’Envol Vert mais aussi des antennes départementales d’Arbre et Paysage.

De nombreuses actions sont possibles, si vous possédez des haies chez vous, il est important de les préserver, de les associer avec des bandes fleuries et de les diversifier. Du 6 au 9 juin 2024, nous avons le choix d’élire aux élections européennes des député·es qui porteront la voix des paysan·nes et permettront de mettre en place de véritables solutions pour une agriculture résiliente. Optez pour les programmes favorisant un plafonnement de la PAC et une répartition par ETP (Équivalent Temps Plein) pour favoriser les petites exploitations, les paysan·nes et limiter les arrachages de haies.

Publié le : 30/04/20248,5 min de lecture

Depuis 1950, on estime que 70% des haies ont disparu en France. Entre 2017 et 2021, environ 23 500 km de haies ont été détruites chaque année en France, soit autant de diversité écologique et de services écosystémiques en moins. Ce phénomène est principalement lié à la fusion des parcelles agricoles (et donc aux aides de la PAC). Récemment, l’État français a choisi de lancer une grande dynamique autour de la réintroduction de haies. A travers le pacte de la haie, l’objectif est de planter 50 000 kilomètres de haies d’ici 2030.

Pourquoi un tel intérêt soudain ? A quoi sert une haie, que véhicule-t-elle ? Quelles sont ses implications ? La haie est-elle politique ? Si oui,

La haie est-elle de gauche ou de droite ?

C’est à travers cette drôle de question que Sonia Feertchak, dans son ouvrage Eloge de la haie. Pour un désordre végétal, nous invite à questionner le rôle politique de la haie. Si l’exercice semble absurde de prime abord, la réponse s’avère en réalité complexe et passionnante. 

La haie est conçue comme une frontière et une délimitation de territoire, marquant ainsi une exclusion de l’extérieur et une notion de propriété privée. Elle serait donc, à priori, plutôt orientée à droite. Toutefois, elle est aussi une marque de lien au territoire, d’intérêt à la biodiversité et de collaboration avec la nature. Dans certains cas, elle aurait même servi de moyen de lutte contre la colonisation : Dans le livre II de la Guerre des Gaules, Jules César relate comment l’entretien des haies de ronciers et d’épineux par le peuple des Nerviens – situés dans l’actuelle Belgique – a pu considérablement ralentir l’avancée des troupes romaines.La sorcière, aujourd’hui symbole de nombreux courants féministes, est nommée en vieil allemand Hagatusjon, qui signifie la déesse des haies.

Cette ambivalence de la haie, frein à la conquête pour les uns, outil d’émancipation pour les autres, se retrouve dans la biodiversité foisonnante qui y est rattachée. En effet, si la haie est d’abord conçue comme une barrière pour le bétail, elle a pour d’autres une utilité bien différente. Pour les chevreuils et les blaireaux, la haie, frontière du mouton, est une route, de la même manière que nos routes goudronnées sont pour eux des frontières.

Car oui, si la haie est bel et bien intimement liée à l’action de l’homme, tout un cortège animal et végétal y est associé. Pour les bourdons, une haie diversifiée est un garde-manger et pour de nombreuses espèces, c’est tout le cycle de vie qui se déroule dans cet écosystème.

Triton marbré observé sur le terrain d’une agricultrice bénéficiaire du projet Au Pré de Mes Arbres

Il suffit de se pencher quelques minutes sur une haie pour être frappé·e de plein fouet par la richesse de la biodiversité (nous vous conseillons par ailleurs d’y aller doucement si vous voulez éviter de vivre cette expression dans son sens littéral). Le mois de mai étant particulièrement propice à l’ébahissement autour des papillons et des batraciens, nous ne pouvons que vous conseiller de prendre cinq minutes de plus lors d’un de vos trajets quotidiens pour faire une pause observatrice en compagnie d’une haie. Face à un tel item, il est urgent de changer de regard et d’apprécier sa complexité, de porter un regard neuf et de voir qu’il peut nous apporter beaucoup, que l’on soit urbain·e, rural·e ou agriculteur·rice.

Les agriculteur·rices peuvent en effet profiter d’un grand nombre d’avantages grâce à la présence d’une haie. On a déjà abordé la richesse de la biodiversité qui leur est rattachée : cette dernière s’accompagne d’une légion d’auxiliaires qui peuvent aider les cultures de diverses manières, tant comme pollinisateurs que comme prédateurs de parasites ou de pathogènes. Cependant, la biodiversité est loin d’être le seul avantage au fait d’entretenir une haie ! En voilà d’autres exemples :

  • Les différentes strates des haies ont un impact direct sur leur environnement : elles protègent les cultures contre le vent et limitent l’érosion des sols et le transport des sédiments par les eaux de surface. Elles limitent également le risque de crues, en améliorant l’infiltration et le stockage de l’eau dans les sols. Les ripisylves, bandes ligneuses situées au bord des cours d’eau, contribuent à filtrer l’eau et maintenir les berges.

  • Les arbres et arbustes, ressources naturelles renouvelables, permettent la production locale de bois sous différentes formes : bois d’œuvre, biomasse et bois énergie , et différents modes de valorisation : bûchettes, plaquettes, bois raméal fragmenté, fagots, litière pour les bêtes… En moyenne une haie produit de l’ordre de 1 à 17 tonnes bois sec / an / km linéaire, très variable selon le type de haie, les essences concernées et la nature du sol.

  • Avec l’augmentation des gaz à effet de serre, les haies et bosquets qui maillent les territoires participent au stockage du carbone et donc à limiter l’impact des gaz à effets de serre sur le dérèglement climatique.

  • Elles contribuent au confort des animaux élevés en plein air, leur offrant des abris contre les intempéries ou le soleil en période de sécheresse. Elles peuvent aussi les nourrir, surtout lors d’événements climatiques extrêmes, comme en cas de sécheresse, par exemple. Plusieurs espèces d’arbres présentent un excellent profil fourrager. C’est le cas du mûrier blanc et du frêne commun, deux espèces traditionnellement utilisées respectivement en zones méditerranéenne et continentale.

Si la haie nous apporte autant, pourquoi en arrache-t-on encore ?

La raison est simple, la haie n’est que peu compatible avec le modèle agro-industriel. En cloisonnant, elle empêche le passage des engins imposants. Son entretien est trop gourmand en temps pour que les agriculteur·rices puissent gérer en parallèle des centaines d’hectares. Sa complexité entre en confrontation directe avec la vision du champ-support de production (considérant qu’un champ n’est qu’une surface de production et non un écosystème vivant), et donc à la standardisation des modèles agricoles.

En réalité, sur la question des haies au sein de nos territoires, ce sont deux imaginaires qui s’affrontent. D’un côté, un imaginaire de paysages vivants, fait de routes-frontières, de strates diversifiées, d’agriculteur·rices paysan·nes et d’une biodiversité riche; de l’autre, des champs standardisés, des paysages lisses, de l’agriculture industrielle et des gestionnaires-entrepreneurs au service de l’agro-industrie. 

La “révolution verte”, importante politique de modernisation et d’industrialisation de l’agriculture française, a entamé une grande entreprise d’arrachage de haies et de destruction de bocage. Pour rappel, depuis les années 50, ce sont 70% des haies qui ont été arrachées. La PAC, en favorisant l’augmentation des surfaces a largement contribué et contribue encore aujourd’hui à ces arrachages. Au sujet de cette même PAC, que dire de la volonté toujours plus affichée depuis quelques années de promouvoir l’utilisation des technologies de pointe (comme l’agrivoltaïsme ou l’utilisation de drones) en agriculture? Ces décisions mettent en péril l’autonomie des agriculteur·rices et paraissent peu compatibles avec la réimplantation massive de haie. 

Aujourd’hui des politiques ambitieuses, notamment portées par des acteurs locaux, permettent de planter chaque année environ 12 000 kilomètres de haies. Or, ces haies nouvelles sont encore loin d’apporter les mêmes bienfaits qu’une haie installée depuis des décennies. Par ailleurs, c’est toujours 11 500 kilomètres qui disparaissent sans être “remplacés” chaque année. 

Alors que faire ?

Le rôle d’Envol Vert et des autres organismes de la haie dans la lutte contre l’arrachage agricole

Envol Vert, par ses actions de sensibilisation, permet de promouvoir l’usage et la réimplantation de haies auprès du grand public des différent·es professionnel·les de l’agriculture. Depuis 2023, Envol Vert conseille les agriculteur·rices sur la mise en place de haies en régénération naturelle assistée. Cette méthode consiste à laisser une zone en libre évolution, observer les arbres qui s’implantent et conserver les arbres intéressants. La même année, plus de 1 500 mètres de linéaires d’arbres ont été plantés chez les agriculteur·rices suivi·es par Envol Vert. 

Aussi, le gouvernement français a mis en place (grâce au plaidoyer de l’AFACH) un label haie. Cet outil permet de rémunérer les agriculteur·rices pour l’entretien de leurs haies et de créer des filières de valorisation du bois issues de ces dernières.

Nous pouvons tous·tes agir en lien avec les associations qui luttent en faveur des haies ! Participez aux campagnes de dons ou même devenez bénévoles dans une association membre de l’AFACH, c’est le cas d’Envol Vert mais aussi des antennes départementales d’Arbre et Paysage.

De nombreuses actions sont possibles, si vous possédez des haies chez vous, il est important de les préserver, de les associer avec des bandes fleuries et de les diversifier. Du 6 au 9 juin 2024, nous avons le choix d’élire aux élections européennes des député·es qui porteront la voix des paysan·nes et permettront de mettre en place de véritables solutions pour une agriculture résiliente. Optez pour les programmes favorisant un plafonnement de la PAC et une répartition par ETP (Équivalent Temps Plein) pour favoriser les petites exploitations, les paysan·nes et limiter les arrachages de haies.

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