Publié le : 28/02/20234,8 min de lecture

Leur atelier est un peu camouflé. En retrait de la rue, au second étage d’un ancien bâtiment industriel, les luthiers de Limoilou ont fait bâtir leur atelier au sein de la recyclerie des ateliers, 22 rue Rue Mérigonde, à Castres. Ce qui s’apparente à une boîte à chaussure, s’avère finalement être un espace de travail hermétique qui leur garanti une température et une humidité constante. François et Anthony ont ouvert leur atelier de guitares en septembre 2022. Loin de leur formation initiale, ces deux luthiers se sont rencontrés au Québec lors de leur reconversion, au sein de l’école nationale de lutherie. Durant leurs trois années de formation, ils ont pu acquérir non seulement les gestes propres au métier, mais aussi une véritable science acoustique, leur permettant de concevoir des instruments d’exception. A leur retour d’outre-Atlantique, après quelques mois de recherche en solitaire, ils décident de joindre leur efforts et leurs trésoreries pour trouver un atelier à partager.

 Aujourd’hui, ils y fabriquent des pièces artisanales et réalisent aussi des réparations. Si leur métier intrigue, ils relatent que le consentement du prix à payer n’est lui pas aussi élevé que pour les violons. De fait, alors même que les deux instruments demandent un nombre d’heure de travail à peu près équivalent, la guitare possède une image plus populaire. Sa diffusion fût en effet rendue possible avec l’automatisation de sa fabrication depuis le XXème siècle, faisant des guitares acoustiques et nylon des instruments mythiques et accessibles financièrement à un grand nombre de personnes. Si eux-mêmes réalisent des instruments haut de gamme, les nombreuses réparations qu’ils réalisent confirment l’attachement des personnes à leur instrument, quelle qu’en soit la facture.

Contrairement à l’image mythique des métiers artisanaux,
une partie du temps de travail se déroule aujourd’hui derrière un écran.

Pour la naissance d’une nouvelle guitare, c’est un travail en quatre dimensions qui s’opère. Dès la réflexion amont et l’élaboration des plans, le son doit guider le travail des volumes. Leur créations sont des objets de niche, ils mettent un peu de leur âme dans celles-ci, créant des instruments dont la forme et le son résonneront avec leur destinataire. Les guitares qu’ils conçoivent accompagnent leur client·es durant des décennies. Ainsi leur clientèle n’est pas forcément locale. Guidée par un choix mûrement réfléchi, les personnes peuvent venir de loin pour trouver un instrument qui leur correspond. Une fois vendue, une question subsiste néanmoins pour les luthiers : leur méticuleux travail autour du son sera-t-il valorisé par un véritable usage de l’instrument ?

Outre les gestes minutieux, une partie du prix de la guitare vient aussi du bois qui la compose. Les deux amis ont pris la décision de ne pas utiliser un certain nombre d’essences exotiques. C’est particulièrement le cas du palissandre, pourtant apprécié en lutherie, mais dont les conditions d’exploitation et d’importation vont à l’encontre de leurs valeurs. Dans leur domaine, ce qui importe c’est la réaction du bois à la contrainte importante imposée par les cordes. Les matériaux doivent être rigides mais légers, en particulier pour les tables d’harmonies. On retrouve principalement ces caractéristiques chez les Épicéas et les Cèdres rouges. Avoir un bois d’harmonie de qualité, au grain dense et serré, suppose des arbres à croissance lente et régulière. En France, on retrouve notamment ces caractéristiques chez les épicéas du Haut Jura. 

De façon générale, les luthiers sont confrontés à des problématiques d’approvisionnement en bois, du fait de la spécificité de leur besoin et du faible volume annuel qu’ils utilisent. Les bois de qualité qui pourrait leur correspondre sont fléchés vers l’ébénisterie ou la menuiserie. Eux ne peuvent pas travailler avec des bois traités et séchés en étuves. Leur matière première doit être stable au vu des dimensions très fines des morceaux qu’ils utilisent, la moindre variation mettant en péril l’intégrité structurelle de l’instrument. Taillé sur quartier puis séchés naturellement, il faut ensuite les recouper à l’aide de scie à ruban de grande précision.  

Les dos de guitares peuvent, quant à eux, provenir d’une plus grande diversité d’essence. Ici le caractère esthétique est primordial, même si le bois aura également une influence sur le timbre, sur la couleur du son. Platanes, pommiers, noyers… les fruitiers procurent un bois particulièrement apprécié. Les sections qu’ils recherchent sont généralement imposantes, puisqu’ils ne peuvent travailler le bois de cœur, qui concentre trop de tension, et qu’une partie de l’aubier est elle aussi retirée.

Anthony et François n’en sont qu’au frémissement de leur activité, mais réinterrogent déjà leur approvisionnement en bois. Serait-il possible de trouver du bois d’harmonie localement ? Y a t-il dans le secteur des arbres pouvant fournir des dos de qualité ? Comment faire savoir leur intérêt pour du bois sur quartier séché naturellement ?  Ces questions s’intègrent dans la dynamique du projet SEVE, et ses réflexions quant au développement d’une filière locale et artisanale.

Publié le : 28/02/20234,8 min de lecture

Leur atelier est un peu camouflé. En retrait de la rue, au second étage d’un ancien bâtiment industriel, les luthiers de Limoilou ont fait bâtir leur atelier au sein de la recyclerie des ateliers, 22 rue Rue Mérigonde, à Castres. Ce qui s’apparente à une boîte à chaussure, s’avère finalement être un espace de travail hermétique qui leur garanti une température et une humidité constante. François et Anthony ont ouvert leur atelier de guitares en septembre 2022. Loin de leur formation initiale, ces deux luthiers se sont rencontrés au Québec lors de leur reconversion, au sein de l’école nationale de lutherie. Durant leurs trois années de formation, ils ont pu acquérir non seulement les gestes propres au métier, mais aussi une véritable science acoustique, leur permettant de concevoir des instruments d’exception. A leur retour d’outre-Atlantique, après quelques mois de recherche en solitaire, ils décident de joindre leur efforts et leurs trésoreries pour trouver un atelier à partager.

 Aujourd’hui, ils y fabriquent des pièces artisanales et réalisent aussi des réparations. Si leur métier intrigue, ils relatent que le consentement du prix à payer n’est lui pas aussi élevé que pour les violons. De fait, alors même que les deux instruments demandent un nombre d’heure de travail à peu près équivalent, la guitare possède une image plus populaire. Sa diffusion fût en effet rendue possible avec l’automatisation de sa fabrication depuis le XXème siècle, faisant des guitares acoustiques et nylon des instruments mythiques et accessibles financièrement à un grand nombre de personnes. Si eux-mêmes réalisent des instruments haut de gamme, les nombreuses réparations qu’ils réalisent confirment l’attachement des personnes à leur instrument, quelle qu’en soit la facture.

Contrairement à l’image mythique des métiers artisanaux,
une partie du temps de travail se déroule aujourd’hui derrière un écran.

Pour la naissance d’une nouvelle guitare, c’est un travail en quatre dimensions qui s’opère. Dès la réflexion amont et l’élaboration des plans, le son doit guider le travail des volumes. Leur créations sont des objets de niche, ils mettent un peu de leur âme dans celles-ci, créant des instruments dont la forme et le son résonneront avec leur destinataire. Les guitares qu’ils conçoivent accompagnent leur client·es durant des décennies. Ainsi leur clientèle n’est pas forcément locale. Guidée par un choix mûrement réfléchi, les personnes peuvent venir de loin pour trouver un instrument qui leur correspond. Une fois vendue, une question subsiste néanmoins pour les luthiers : leur méticuleux travail autour du son sera-t-il valorisé par un véritable usage de l’instrument ?

Outre les gestes minutieux, une partie du prix de la guitare vient aussi du bois qui la compose. Les deux amis ont pris la décision de ne pas utiliser un certain nombre d’essences exotiques. C’est particulièrement le cas du palissandre, pourtant apprécié en lutherie, mais dont les conditions d’exploitation et d’importation vont à l’encontre de leurs valeurs. Dans leur domaine, ce qui importe c’est la réaction du bois à la contrainte importante imposée par les cordes. Les matériaux doivent être rigides mais légers, en particulier pour les tables d’harmonies. On retrouve principalement ces caractéristiques chez les Épicéas et les Cèdres rouges. Avoir un bois d’harmonie de qualité, au grain dense et serré, suppose des arbres à croissance lente et régulière. En France, on retrouve notamment ces caractéristiques chez les épicéas du Haut Jura. 

De façon générale, les luthiers sont confrontés à des problématiques d’approvisionnement en bois, du fait de la spécificité de leur besoin et du faible volume annuel qu’ils utilisent. Les bois de qualité qui pourrait leur correspondre sont fléchés vers l’ébénisterie ou la menuiserie. Eux ne peuvent pas travailler avec des bois traités et séchés en étuves. Leur matière première doit être stable au vu des dimensions très fines des morceaux qu’ils utilisent, la moindre variation mettant en péril l’intégrité structurelle de l’instrument. Taillé sur quartier puis séchés naturellement, il faut ensuite les recouper à l’aide de scie à ruban de grande précision.  

Les dos de guitares peuvent, quant à eux, provenir d’une plus grande diversité d’essence. Ici le caractère esthétique est primordial, même si le bois aura également une influence sur le timbre, sur la couleur du son. Platanes, pommiers, noyers… les fruitiers procurent un bois particulièrement apprécié. Les sections qu’ils recherchent sont généralement imposantes, puisqu’ils ne peuvent travailler le bois de cœur, qui concentre trop de tension, et qu’une partie de l’aubier est elle aussi retirée.

Anthony et François n’en sont qu’au frémissement de leur activité, mais réinterrogent déjà leur approvisionnement en bois. Serait-il possible de trouver du bois d’harmonie localement ? Y a t-il dans le secteur des arbres pouvant fournir des dos de qualité ? Comment faire savoir leur intérêt pour du bois sur quartier séché naturellement ?  Ces questions s’intègrent dans la dynamique du projet SEVE, et ses réflexions quant au développement d’une filière locale et artisanale.

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