Publié le : 01/06/20224,9 min de lecture

Déforestation illégale en Amazonie

A l’occasion de la venue de représentantes du peuple autochtone Uru-Eu-Wau-Wau à Paris fin mai 2022, le CCCA (Centre pour l’Analyse des Crimes Climatiques) a dévoilé les résultats d’une nouvelle enquête de terrain menée en Amazonie brésilienne.

Leur rapport décrit la déforestation illégale opérée dans un territoire autochtone protégé de l’Etat du Rondônia au profit de l’élevage bovin, et apporte de nouveaux éléments à charge dans le contentieux engagé en France contre Casino pour manquement à son devoir de vigilance.

Les résultats de l’enquête du CCCA

Les enquêtes de terrain menées par le CCCA font état d’invasions illégales du territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau, situé au cœur de la région amazonienne du Rondônia, au profit d’exploitations bovines. 25 482 bovins sont présents illégalement dans la réserve et 13 411 hectares de forêts ont été déboisées pour le pâturage, soit davantage que la superficie de la ville de Paris. Ces enquêtes documentent également les nombreuses conséquences de ces invasions pour les peuples autochtones concernés :

Rapport Crime Climatique Brésil 2022

  • Les dommages environnementaux causés par la déforestation et l’élevage bovin y sont estimés à plus de 128 millions d’euros (estimation à partir des pertes de services écosystémiques, le coût de réhabilitation et les coûts d’opportunités de l’usage des sols).
  • Des menaces pèsent également sur la sécurité, les moyens de subsistance et la culture même des peuples autochtones “Les peuples des terres autochtones Uru-Eu-Wau-Wau ont souffert d’un encerclement de leur territoire, constant et en expansion, qui menace leurs vies” indique un membre du peuple autochtone. « Nous subissons tous des menaces, elles sont nombreuses. Tous les villages sont concernés. Ils disent qu’ils vont en finir avec les autochtones.[…] Il est risqué de marcher seul et de se faire capturer. C’est dangereux d’aller en ville.»
  • S’y ajoute un impact sanitaire, selon les témoignages : “Des envahisseurs ont aussi violé le droit des populations autochtones isolées en entrant en contact avec elles alors que ces personnes sans mémoire immunologique sont particulièrement vulnérables notamment en période de pandémie.”

Selon le Center for Climate Crime Analysis (CCCA), ces invasions des terres autochtones, leur déforestation, l’usage pour du pâturage, l’élevage bovin et leur destination pour la consommation constituent des activités illégales en droit brésilien.

A cette occasion, les représentants des peuples autochtones ont partagé leur vécu et leur détresse.

Merci à Alice Pataxó, du peuple autochtone Pataxó de Bahia, une jeune militante de 20 ans, ayant pris la parole lors de la COP26 à Glasgow, pour dénoncer la déforestation en Amazonie et défendre les droits des peuples autochtones.

Merci à Tejubi du peuple autochtone Uru-Eu-Wau-Wau du Rondônia est une leader indigène de 21 ans. Elle fait partie de l’association Jupaú, qui mène la lutte pour la défense des droits de son peuple et pour le développement de projets durables sur ses terres.

Merci à Neidinha Bandeira est une militante emblématique qui dirige l’Association de défense ethno environnementale Kanindé, dont le travail s’étend à 52 groupes ethniques indigènes afin d’arrêter éleveurs bovins envahisseurs et bûcherons illégaux.

Merci à toutes les trois de leur venue et des échanges que nous avons pu avoir avec elles. Notre engagement à vos côtés est indéfectible.

Des éléments relatifs au groupe Casino

Grâce à des documents officiels de transport d’animaux, trois fermes localisées dans le territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau ont été identifiées comme connectées à la chaîne d’approvisionnement d’un abattoir de l’entreprise brésilienne JBS qui fournissait les magasins du groupe Casino au BrésilCes fermes sont responsables de 340 hectares de déforestation illégale. Avec seulement 10% des bovins produits dans le territoire autochtones faisant état de documents officiels de transport d’animaux, la responsabilité des entreprises pourrait être encore plus importante.

Rhavena Terto Madeira, directrice du CCCA Brésil précise : “Les engagements du groupe Casino pour éliminer la déforestation ne sont pas seulement insatisfaisants. Ces nouveaux éléments montrent que le groupe Casino pourrait également être responsable de ces dommages environnementaux en droit brésilien, par consentement ou omission.”

Pour les organisations ayant assigné le groupe Casino en justice, cette enquête illustre les conséquences des manquements de l’entreprise à son devoir de vigilance. L’action en justice, initiée à Saint Etienne, a été transmise au Tribunal judiciaire de Paris, désigné fin 2021 comme compétent pour juger des contentieux fondés sur la loi sur le devoir de vigilance. L’audience pour fixer le calendrier de la procédure aura lieu le 9 juin 2022. Des actions portées par d’autres délégations autochtones sont en préparation.

Informations complémentaires

L’État du Rondônia se trouve à l’extrême ouest du Brésil, à la frontière de la Bolivie. Il s’étend sur la plus grande forêt du monde : l’Amazonie.

Le territoire des Uru Eu Wau Wau s’étend sur près de 20 000 km² dans la forêt amazonienne du sud de l’État du Rondônia, à l’ouest du Brésil. Censé être protégé par la loi, il est aujourd’hui menacé de toute part.

Le CCCA : Organisation à but non-lucratif composé de procureurs et de professionnels de la législation visant à soutenir et intensifier l’action judiciaire en matière de climat dans le monde entier.

Photos : Jean-Baptiste Mariou.

Publié le : 01/06/20224,9 min de lecture

Déforestation illégale en Amazonie

A l’occasion de la venue de représentantes du peuple autochtone Uru-Eu-Wau-Wau à Paris fin mai 2022, le CCCA (Centre pour l’Analyse des Crimes Climatiques) a dévoilé les résultats d’une nouvelle enquête de terrain menée en Amazonie brésilienne.

Leur rapport décrit la déforestation illégale opérée dans un territoire autochtone protégé de l’Etat du Rondônia au profit de l’élevage bovin, et apporte de nouveaux éléments à charge dans le contentieux engagé en France contre Casino pour manquement à son devoir de vigilance.

Les résultats de l’enquête du CCCA

Les enquêtes de terrain menées par le CCCA font état d’invasions illégales du territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau, situé au cœur de la région amazonienne du Rondônia, au profit d’exploitations bovines. 25 482 bovins sont présents illégalement dans la réserve et 13 411 hectares de forêts ont été déboisées pour le pâturage, soit davantage que la superficie de la ville de Paris. Ces enquêtes documentent également les nombreuses conséquences de ces invasions pour les peuples autochtones concernés :

Rapport Crime Climatique Brésil 2022

  • Les dommages environnementaux causés par la déforestation et l’élevage bovin y sont estimés à plus de 128 millions d’euros (estimation à partir des pertes de services écosystémiques, le coût de réhabilitation et les coûts d’opportunités de l’usage des sols).
  • Des menaces pèsent également sur la sécurité, les moyens de subsistance et la culture même des peuples autochtones “Les peuples des terres autochtones Uru-Eu-Wau-Wau ont souffert d’un encerclement de leur territoire, constant et en expansion, qui menace leurs vies” indique un membre du peuple autochtone. « Nous subissons tous des menaces, elles sont nombreuses. Tous les villages sont concernés. Ils disent qu’ils vont en finir avec les autochtones.[…] Il est risqué de marcher seul et de se faire capturer. C’est dangereux d’aller en ville.»
  • S’y ajoute un impact sanitaire, selon les témoignages : “Des envahisseurs ont aussi violé le droit des populations autochtones isolées en entrant en contact avec elles alors que ces personnes sans mémoire immunologique sont particulièrement vulnérables notamment en période de pandémie.”

Selon le Center for Climate Crime Analysis (CCCA), ces invasions des terres autochtones, leur déforestation, l’usage pour du pâturage, l’élevage bovin et leur destination pour la consommation constituent des activités illégales en droit brésilien.

A cette occasion, les représentants des peuples autochtones ont partagé leur vécu et leur détresse.

Merci à Alice Pataxó, du peuple autochtone Pataxó de Bahia, une jeune militante de 20 ans, ayant pris la parole lors de la COP26 à Glasgow, pour dénoncer la déforestation en Amazonie et défendre les droits des peuples autochtones.

Merci à Tejubi du peuple autochtone Uru-Eu-Wau-Wau du Rondônia est une leader indigène de 21 ans. Elle fait partie de l’association Jupaú, qui mène la lutte pour la défense des droits de son peuple et pour le développement de projets durables sur ses terres.

Merci à Neidinha Bandeira est une militante emblématique qui dirige l’Association de défense ethno environnementale Kanindé, dont le travail s’étend à 52 groupes ethniques indigènes afin d’arrêter éleveurs bovins envahisseurs et bûcherons illégaux.

Merci à toutes les trois de leur venue et des échanges que nous avons pu avoir avec elles. Notre engagement à vos côtés est indéfectible.

Des éléments relatifs au groupe Casino

Grâce à des documents officiels de transport d’animaux, trois fermes localisées dans le territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau ont été identifiées comme connectées à la chaîne d’approvisionnement d’un abattoir de l’entreprise brésilienne JBS qui fournissait les magasins du groupe Casino au BrésilCes fermes sont responsables de 340 hectares de déforestation illégale. Avec seulement 10% des bovins produits dans le territoire autochtones faisant état de documents officiels de transport d’animaux, la responsabilité des entreprises pourrait être encore plus importante.

Rhavena Terto Madeira, directrice du CCCA Brésil précise : “Les engagements du groupe Casino pour éliminer la déforestation ne sont pas seulement insatisfaisants. Ces nouveaux éléments montrent que le groupe Casino pourrait également être responsable de ces dommages environnementaux en droit brésilien, par consentement ou omission.”

Pour les organisations ayant assigné le groupe Casino en justice, cette enquête illustre les conséquences des manquements de l’entreprise à son devoir de vigilance. L’action en justice, initiée à Saint Etienne, a été transmise au Tribunal judiciaire de Paris, désigné fin 2021 comme compétent pour juger des contentieux fondés sur la loi sur le devoir de vigilance. L’audience pour fixer le calendrier de la procédure aura lieu le 9 juin 2022. Des actions portées par d’autres délégations autochtones sont en préparation.

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L’État du Rondônia se trouve à l’extrême ouest du Brésil, à la frontière de la Bolivie. Il s’étend sur la plus grande forêt du monde : l’Amazonie.

Le territoire des Uru Eu Wau Wau s’étend sur près de 20 000 km² dans la forêt amazonienne du sud de l’État du Rondônia, à l’ouest du Brésil. Censé être protégé par la loi, il est aujourd’hui menacé de toute part.

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